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Enseignement

Le bardo du rêve - 5/12

Chépa Dorjé Rinpoché - Paris, le 2 avril 2001

Nous devons penser que maintenant nous allons écouter cet enseignement pour pouvoir libérer l’ensemble des êtres qui ont tous été nos pères et mères et dont le nombre est aussi vaste que vaste est l’espace. Je vous répète toujours : « puissiez-vous écouter cet enseignement en pensant que vous allez libérer l’ensemble de tous les êtres qui ont tous été nos pères et nos mères et dont le nombre est aussi vaste que vaste est l’espace ». Je vous dis cela, mais peut-être ne devrais-je pas vous le dire, peut-être l’entendez-vous mais que vous n’y pensez pas. En fait, dès que vous avez entendu cette phrase, c’est comme si vous la jetiez, que vous la mettiez de côté.

Peut-être entendez-vous ce que je suis en train de vous dire mais vous n’y pensez peut-être pas. Dans ces conditions ce que je vous dis n’a véritablement pas de sens.
Il est important d’avoir une motivation, d’avoir l’aspiration. Il est important au départ de développer cette aspiration.

Nous pouvons trouver trois sortes de motivations. Il y a la motivation de ceux qui pratiquent la non-vertu, il y a la motivation des gens qui sont dans la neutralité c’est-à-dire qui ne font pas d’actes non-vertueux mais qui ne pratiquent pas la vertu non plus et il y a la motivation parfaitement pure.

Qu’est-ce que la motivation non-vertueuse ?

C’est de penser : « Je vais écouter cet enseignement non pas pour le bien des êtres mais pour moi-même et mon activité mondaine. ». Penser « grâce à çà, je vais devenir riche » ou : « Grâce à cela, toute mon activité va être bonne », c’est une motivation non-vertueuse. Penser : « Moi seul, je vais atteindre l’état de Bouddha », c’est une motivation non-vertueuse. Penser que nous allons avoir une activité qui va nous rapporter beaucoup d’argent, c’est une motivation non-vertueuse : il faut la rejeter.

Ensuite il y a la motivation neutre. Ce que cela veut dire : on écoute le Dharma mais on ne le pratique pas. Nous nous disons : "Je vais écouter le Dharma...", mais par la suite nous n’y pensons pas. Ce serait comme de suivre un chien. Quand nous suivons un chien, le chien, lui, ne sait pas où aller, il ne sait pas ce qu’il va faire… ce serait exactement la même chose.

Ou ce serait être comme un singe. Si on le dresse, il va faire des choses, mais il n’a pas la possibilité de penser à ces choses qu’il va faire, il n’a pas l’intelligence pour cela.

Ou alors ce serait comme quelqu’un qui aurait une arme et qui tirerait à n’importe quel moment. Cela n’aurait pas aucun sens. C’est cela la motivation neutre : « Je vais écouter cet enseignement », mais ça s’arrête là.

En fait je pense que ce genre de maladie n’est pas présente ici, que ce genre de pensée n’est pas présente ici. C’est plus présent dans une assemblée de moines ou de nonnes qui n’ont pas d’autres activités que celle-ci. Ils consacrent leurs temps au Dharma. Si quand ils viennent ils pensent à autre chose et si leur esprit part ailleurs, il y a un problème.

Mais je pense qu’ici, il n’y a pas ce genre de problème. Je pense que nous n’avons plus la maladie de la motivation non-vertueuse.

Si quand nous écoutons le Dharma nous nous disons : « Il faut que j’écoute bien, car par la suite je dois pouvoir parler du Dharma ». Si quelqu’un nous pose une question et que nous ne sommes pas capables de répondre, nous risquons d’avoir une très grande honte et nous nous disons : « Je note ça pour pouvoir répondre et surtout ne pas être pris en défaut ». Ce genre de motivation non-vertueuse est surtout présente chez les enseignants, les personnes qui veulent retransmettre le Dharma. Ils vont pêcher à droite à gauche et ensuite ils vont redonner ces paroles. Or il va falloir que ces paroles soient très justes dans la mesure où il y a beaucoup de disciples qui vont leurs poser des questions. L’enseignant devra répondre. Il va donc écouter, prendre des notes pour ne pas être pris en défaut. Il faut faire attention, si nous avons cette motivation non-vertueuse, nous ne pouvons pas véritablement obtenir le saint Dharma.

Quelle est la motivation parfaitement pure ?

C’est de reconnaître que nous avons les trois émotions-racines, les trois poisons-racines dans notre esprit, c’est-à-dire : le désir-attachement, la colère-aversion et l’opacité mentale, que l’ensemble de tous les êtres comme nous-même ont eux aussi ces trois poisons-racines, ce désir, cette colère et cette opacité mentale, et penser que nous allons, à l’écoute du Saint Dharma, obtenir des moyens pour pouvoir nous libérer.

Penser de cette manière est la motivation parfaitement pure.
Nous avons les trois poisons, ces trois émotions-racines. Quand notre esprit n’est pas dans le bien-être, dans le bonheur, ce sont toutes les pensées qui nous perturbent, toutes les réflexions que nous avons dans l’esprit. Nous pouvons nous dire qu’à travers l’enseignement, nous allons pouvoir être séparés de tout ce mouvement, de toute cette agitation car c’est l’esprit qui expérimente tout cela.

Si véritablement nous expérimentons que le saint Dharma peut apporter cette aide, naturellement, spontanément, nous n’allons plus développer de motivation non-vertueuse. Spontanément cela va être oublié. Il y a toutes sortes de moyens pour entraîner notre esprit vis-à-vis des êtres et un de ces moyens est l’amour. Quand les êtres sont dans la souffrance, dans les non-vertus, nous devons développer de la compassion à leur égard et à travers cette compassion, l’amour apparaît.
Ici la culture tibétaine va peut-être différer de la culture française.
Dans une famille tibétaine, je vais penser à toi, je vais penser au Dharma en pensant à toi, toi tu vas penser au Dharma en pensant à moi, ainsi une harmonie va se créer entre les personnes. Il peut arriver que ce soit : « Moi je pense à moi et toi tu penses à toi ». A ce moment-là un conflit apparaît.
Au Tibet l’ensemble des membres de la famille vit ensemble, ils sont tout le temps ensemble. L’un fait le travail de l’autre et l’autre fait le travail de l’un, il y a vraiment une harmonie qui se crée. Nous pensons les uns aux autres. Cette harmonie est vraiment présente.

En France, je ne sais pas trop quelle est la coutume. Il est possible que les parents se séparent et que chacun aille dans un endroit différent. Cela montre que chacun pense à lui-même et il n’y a donc pas d’harmonie.

Si grâce au saint Dharma tous les êtres pensaient de cette manière (que les êtres pensent aux autres êtres et non pas à eux-mêmes), que dans la famille je pense à toi, je pense à ce que tu aimes faire et je vais faire ce que tu aimes. Si tu n’aimes pas quelque chose, je ne vais pas te le dire et cela va créer une harmonie et l’autre, donc toi, tu vas savoir ce que moi j’aime, donc tu vas le faire ; ce que je n’aime pas, tu ne vas pas me le dire.

Je pense que si tous les êtres étaient capables de faire de cette manière, l’ensemble de notre monde serait alors en paix. C’est ce qui s’appelle l’Esprit d’Eveil, c’est ce qui s’appelle l’Amour.

Si à l’inverse je te dis toutes sortes de mauvaises choses, je sors mes armes et me bats contre toi, tu vas dire toutes sortes de mauvaises choses, tu vas sortir tes armes et te battre contre moi. Il est alors impossible que la paix puisse s’installer : le conflit est toujours présent. Si j’ai de la force, je vais sortir mes armes, si je n’ai pas de force et que je suis tout petit, je ne vais rien te dire mais je vais penser toutes sortes de mauvaises choses contre toi. Et je vais penser encore et encore et dans ces conditions, aucune paix ne peut advenir.

Ce bon état d’esprit, cette pensée excellente est comme la base, le fondement, comme la terre. Si nous souhaitons planter une graine et qu’elle se développe de manière correcte, il faut la cultiver correctement. Ainsi la graine pourra se développer. De même pour un pratiquant du Dharma, au départ il est nécessaire d’avoir cette bonne pensée, ce bon état d’esprit. Sur cette base-là nous pourrons recevoir d’une manière parfaitement pure les instructions du Lama.

Maintenant, nous sommes dans le Bardo du Rêve et pourquoi cela ?

Parce que tout ceci est un rêve. Tout ce que nous faisons les bonnes choses, les mauvaises choses, peu importe, tout cela est un rêve. Si nous reconnaissons que tout cela est un rêve, il n’y a plus de difficulté dans l’esprit. Nous nous étions arrêtés la dernière fois à la reconnaissance du rêve. En fait, nous avons vu qu’il y avait des moyens pour pouvoir reconnaître, maîtriser ce rêve. Il faut utiliser l’ensemble de ces moyens et si nous n’utilisons pas l’ensemble de ces moyens, si nous ne reconnaissons pas le rêve, il faut se confesser.

Quel est le moyen de se confesser ?

Comme nous l’avons vu, ce sera de réciter le mantra des Cent syllabes de Dordje Sempa, en ayant du regret. Nous avons des émotions perturbatrices, nous ne savons pas combien nous avons de ces émotions et ces émotions viennent de l’ignorance.

Si nous nous confessons et faisons cet entraînement, au bout d’un ou deux mois, ou de quelques mois, nous aurons la possibilité de reconnaître que nous sommes en train de rêver.
Parfois nous avons la possibilité de reconnaître le rêve, parfois non. Pour que nous puissions transformer le rêve, il est nécessaire que nous puissions maîtriser cette reconnaissance.

« Transformer », qu’est-ce que cela veut dire ?

Si nous avons dans notre rêve toutes sortes de démons, nous pouvons les transformer en une divinité.

Pourquoi cela ?

Parce qu’en fait dans notre rêve, nous n’avons pas de corps et nous pouvons instantanément nous transformer. Nous pouvons créer toutes sortes d’émanations de nous-mêmes ou nous transformer en toutes sortes de corps différents. Inversement, s’il y a beaucoup de monde, nous pouvons transformer ces personnes en une seule personne et cela d’une manière instantanée.

« Se transformer » veut dire aussi que si nous pensons à la direction de l’ouest, au paradis, que nous pensons au paradis de la Grande Félicité, instantanément nous nous trouvons dans ce paradis et nous pouvons y recevoir toutes sortes d’enseignements.

Si je suis en train de rêver et s’il y a une personne à côté de moi en train de rêver, si dans mon rêve je veux que cette personne se transforme en Guru Rinpoché, instantanément, cette personne se transformera en Guru Rinpoché, dans la mesure ou j’ai la possibilité que tout se transforme instantanément en une divinité.

Dans mon rêve, s’il y a quelqu’un que je n’aime pas, qui apparaît, je peux instantanément le transformer en quelqu’un que j’aimerai. Cette personne deviendra aimable pour moi alors qu‘elle ne l’était pas avant parce que je l’ai transformée dans mon rêve.

Quel est le bienfait de maîtriser, reconnaître le rêve et de se transformer ?

Le bienfait adviendra lors du Bardo de la Réalité absolue. Il va y a avoir toutes sortes d’apparences qui vont émerger. Ces apparences vont être les propres apparences de notre esprit et si nous arrivons à saisir notre rêve, c’est-à-dire à maîtriser, reconnaître ce rêve, nous reconnaîtrons aussi que nous sommes dans ce Bardo de la Réalité absolue. Donc nous reconnaîtrons notre propre apparence. Et les apparences ne nous feront plus peur. Au contraire, nous pourrons les transformer en une divinité, par exemple, Dorje Sempa.

Si nous pensons : « cela peut être vraiment très marrant de pouvoir se transformer dans le rêve ! » Si nous pensons ainsi, alors nous ne maîtriserons pas et nous ne reconnaîtrons pas notre rêve.

Avant tout, nous allons nous entraîner pour développer de la foi et de la dévotion. Si nous ne développons pas cette foi et cette dévotion, il n’y a pas la possibilité réelle de s’entraîner, car nous pourrons nous entraîner un jour et cela sera oublié le lendemain ! Dans la journée, il faut se dire que c’est un rêve, que nous sommes dans un rêve. Quand vient le soir, se dire : « je vais à nouveau entrer dans un rêve ». Mais il n’y a absolument aucune différence. Il n’y a pas de différence entre la journée et la nuit. Si nous pensons de cette manière, cela va beaucoup nous aider.

Plus particulièrement, nous devons avoir de l’attention et de la vigilance au moment où nous allons nous endormir. Nous devons adresser une prière aux Bouddhas et aux Bodhisattvas et leur demander que nous puissions maîtriser notre rêve, c’est-à-dire que nous puissions reconnaître que nous sommes dans un rêve. Cela véritablement nous aidera.

Nous nous arrêtons là et allons pratiquer quelques instants la méditation.