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Cérémonie de Guru Bum Tsok

Cette année marque le 1262ème anniversaire de l’arrivée du Maître Padmasambhava au Tibet. En ces temps difficiles en raison des maladies, des guerres et du réchauffement climatique, la prière au Maître Padmasambhava est un moyen puissant de dissiper les obstacles et de propager le Dharma.

C’est pourquoi Lama Kunga Kunchok organise une cérémonie de Guru Bum Tsok et invite, pour cette occasion S.E. Lhatsé Tulku Rinpoché.

L’Association Bouddhique Orgyen Rangdjoung Dorjé Ling (ABCORDL) et le Centre Culturel Tibétain Dzogchenpa (CCTD), fondés par Lama Kunga Kunchok, ont l’honneur d’apporter leur soutien à cet événement.

La cérémonie se tiendra les 24, 25 et 26 mai à la Grande Pagode du Bois de Vincennes. L’événement est gratuit, ouvert à tous sur simple inscription. Les déjeuners et collations sont offerts.


Programme

Vendredi 24 mai 2024
10h à 12h : Guru Bum Tsok
12h à 14h : Déjeuner végétarien offert aux participants
14h à 15h30 : Guru Bum Tsok
15h30 à 16h : Collation offerte aux participants
16h à 17h : Enseignement sur le développement de l’Esprit d’Eveil

Samedi 25 mai 2024
10h à 12h : Guru Bum Tsok
12h à 14h : Déjeuner végétarien offert aux participants
14h à 15h30 : Guru Bum Tsok
15h30 à 16h : Collation offerte aux participants
16h à 17h : Initiation du Rigdzin Dupa

Dimanche 26 mai 2024
10h à 12h : Guru Bum Tsok
12h à 14h : Déjeuner végétarien offert aux participants
14h à 15h30 : Guru Bum Tsok
15h30 à 16h : Collation offerte aux participants
16h à 16h30 : Enseignement sur le Rigdzin Dupa
16h30 à 17h : Initiation de longue vie du Longchen Nyingtik
17h à 17h30 : Mandala de remerciements

Pour vous inscrire à cet événement, veuillez remplir le formulaire en ligne :

Formulaire d’inscription


Les bienfaits du Guru Bum Tsok

Émanation unifiant en elle la sagesse connaissante de notre enseignant sans égal – le Seigneur des sages –, du parfait bouddha Amitābha ainsi que du Seigneur du monde qu’est le tout-puissant exalté Avalokiteśvara, le maître Padmasambhava est le second bouddha d’Oḍḍiyāna loué dans les écritures telles que celle du Filet Magique de Mañjuśrī.

Au lever du soleil, le dixième jour du mois et de l’année du singe, il s’est miraculeusement manifesté au sud-ouest du pays d’Oḍḍiyāna, dans le cœur d’un lotus sur une île du lac Sindhu, le « lac de lait ». Ayant ainsi pris naissance, il œuvra de manière inconcevable pour le bien des êtres à Oḍḍiyāna et dans de nombreuses régions, Tagzik, Gilgit, Baltistan, Ladakh, Cachemire, Inde, île de Laṅkā, Drāvida, Sumatra, Bengale, Népal, Bouthan, Kāmarūpa à l’est, Khotan, Chine, etc.

Puis, à un moment donné, lorsque ses altruistes prières d’aspiration antérieures arrivèrent à maturité, il accepta l’invitation de Trisong Detsen – le trente-huitième souverain de la dynastie tibétaine – et, en l’année eau-tigre (762), se rendit au pays des neiges, territoire le plus haut de notre planète qui a été loué dans les écritures du Victorieux comme étant le champ de conversion du sublime Avalokiteśvara. Là, sur les rives du Yarlung Tsangpo, l’abbé, le maître et le roi du Dharma se réunirent à Drakmar Ombutsel experts dans les méthodes habiles pour discipliner ceux qui doivent l’être, ils œuvrèrent si bien à travers les quatre sublimes moyens d’attraction et autres que tous les humains et non-humains entrèrent dans la sainte Doctrine, par la manière pacifique ou courroucée. Samye – l’inconcevable monastère immuable et spontanément établi – fut érigé selon trois styles et de nombreux enseignements des sūtras et tantras furent traduits après qu’un premier édit ait été publié pour le roi du Tibet et ses sujets. L’abbé et le maître mirent tous deux en place une communauté monastique initiée par les « sept hommes à l’essai » et établirent un collège d’étude et de méditation.

Le maître Padmasambhava se rendit miraculeusement dans le Tibet occidental, oriental et central. Que ce soit dans les montagnes neigeuses, les rochers ou les lacs, il pratiqua dans tous les lieux sacrés et les bénit. Afin que les enseignements des sūtras et tantras se diffusent largement dans le futur et, plus spécialement, afin que la puissance des bénédictions des mantras secrets ne disparaisse pas, après avoir concentré les instructions essentielles des tantras, il dissimula en tant que termas d’innombrables trésors spirituels tels que les « cent trésors pour soutenir la force vitale du roi » ou les « cinq grands trésors de l’Esprit ». Il prophétisa alors qu’ils seraient révélés dans le futur par de nombreux grands êtres de l’école ancienne et des écoles nouvelles qui apparaîtraient successivement et il transmit ces enseignements à chacun d’eux par mandat de l’esprit en accompagnant sa prophétie de prières d’aspiration. Dans les zones rocheuses de Samye Chimphu, de Shotö Tidro et d’ailleurs, il tourna la roue du Dharma des neuf Véhicules en transmettant notamment à ses disciples fortunés les enseignements des trois classes de tantras intérieurs tels que le Dzogchen Sangwa. En œuvrant ainsi, la lampe de la sainte Doctrine illumina la terre entière. Des accomplis des deux types de saṅgha ayant atteint la suprême réalisation, à commencer par les vingt-cinq disciples, roi et sujets, se manifestèrent sans interruption et cette lignée de transmission mêlant kamas et termas en un seul courant dans les instructions qui font mûrir et libèrent l’esprit, se développa pendant cinquante ans. C’est sur cette base que le système philosophique nyingmapa des anciennes traductions émergea et se diffusa au Tibet avec ses enseignements unissant sūtras et tantras qui embrassent la totalité de la Doctrine du Victorieux. Qui plus est, sur un plan général, le maître Padmasambhava – le second bouddha d’Oḍḍiyāna–, œuvre de manière inconcevable pour le bien des êtres dans le milliard de champs du système cosmique de Sahā et plus spécialement dans toutes les régions du Continent des Jambosiers, avec sa sagesse, son amour et sa capacité. En particulier, il embrasse dans sa compassion les disciples de notre époque marquée par les cinq dégénérescences rampantes et leur adresse avec force de profonds souhaits, ce qui a fait dire à Jamgön Mipam Rinpoché, une émanation de Mañjuśrī manifestée parmi les hommes :
Bien que la dégénérescence s’intensifie comme les ténèbres, l’activité de Padma, le seigneur des Victorieux, brille comme la lune. C’est pourquoi les bénédictions du précieux maître d’Oḍḍiyāna pénètrent l’esprit sauvage des êtres de ces temps dégénérés à la mesure des facteurs afflictifs qui se développent en eux.

Le précieux maître d’Oḍḍiyāna lui-même a dit :

Vous mes disciples qui souhaitez quitter le saṃsāra,
Adressez-moi continûment vos prières avec foi et dévotion.
Sur un ton affligé semblable à celui d’un enfant appelant ses parents au secours
Et mélodieux comme le son mélancolique du luth ou de la flûte,
Priez aux six veilles du jour et de la nuit !
Et il est écrit également dans un terma :
Méditez sur Padmasambhava
Avec un corps à la forme insubstantielle et lumineuse.
Générez alors la fierté de sa grandeur
Et récitez avec ferveur et sans interruption
Le mantra quintessentiel de Thötreng Tsal,
Comme un torrent dévalant des rochers.
Je ne pourrai moi-même faire autrement que de venir.
Lorsque vous dirigerez d’intenses prières
Vers moi, Padma d’Oḍḍiyāna,
Avec le respect né d’une forte dévotion
Et un intense sentiment de ferveur,
J’arriverai devant vous.

Comme le montrent ces mots, c’est avec dévotion que nous devons nous focaliser par l’esprit, le cœur et les tripes sur le précieux maître d’Oḍḍiyāna, sans nous contenter de prononcer de simples mots et nous devons mobiliser la foi et la vision pure avec le sentiment d’être en présence réelle d’un bouddha. Si nous prions avec concentration après avoir récité la Prière en sept vers et le Bendza Guru Mantra les bénédictions nous pénètreront rapidement, les obstacles liés aux seize formes de peurs telles que celle d’une mort avant l’heure seront dissipées alors que la longévité et les mérites s’accroîtront. Ultimement, nous rencontrerons le précieux maître d’Oḍḍiyāna, nous entendrons ses paroles et nous renaîtrons au couchant, en la Terre pure de félicité.

Tels sont certains des bienfaits inconcevables de cette pratique. En outre, on trouve ceci dans les « Bienfaits du Siddhi » du grand tertön Karma Lingpa :

Jadis, dans le glorieux [monastère de] Samye,
La dame Yeshe Tsogyal
Offrit au Seigneur d’Oḍḍiyāna
Le suprême maṇḍala extérieur, intérieur et secret.
Puis, elle se prosterna avec dévotion et s’adressa à lui :
« Dans le futur, les êtres auront l’esprit dispersé.
Incorrigibles, ils auront une vision gravement erronée de la Doctrine.
En particulier, ils seront nombreux à générer une vue fausse des profonds mantras secrets.
En ces temps-là, lorsque le Tibet sera affligé
Par les trois fléaux que sont la maladie, la guerre et la famine,
De nombreux rituels bénéfiques auront beau exister,
L’opportunité de les accomplir ne se présentera pas et les obstacles seront grands.
Les substances et instruments [pour ces rituels] ne pourront être réunis au complet
Et les êtres de ces temps mauvais vivront en désaccord.
[Aussi,] veuillez expliquer tous les bienfaits qu’il y aura
À accomplir, à ce moment-là, la pratique du maître que vous êtes ».
Le grand maître répondit :
« Pieuse femme, tu as raison.
En vue d’une telle époque future,
J’ai dissimulé de nombreux trésors bénéfiques
Mais à cause [du manque de] mérites des êtres,
Il sera très difficile de réunir les circonstances propices [pour leur révélation].
Cependant, en ce genre d’époque,
Si, dans les lieux sacrés, les grands monastères,
Au sommet des hautes montagnes ou au bord des fleuves,
Sur les sites miraculeux des dieux et des esprits,
Les tantristes préservant leurs samayas,
Les moines et moniales gardant leur discipline,
Les hommes pieux
Et les femmes de qualité
Récitent cent, mille, dix-mille, cent mille, dix millions de fois ou plus encore
Le mantra quintessentiel qu’est le Bendza Guru
Avec l’excellente motivation de l’esprit d’éveil,
Il en découlera d’inconcevable bienfaits.
Maladies, influences nocives, guerres, conflits,
Mauvaises récoltes, famines et manifestations illusoires seront pacifiés.
La pluie tombera au moment opportun
Et le pays connaîtra la bonne fortune, la vertu et l’excellence.
Dans cette vie, la suivante ou le bardo on verra en réalité ou, à défaut, dans les expériences spirituelles et les rêves, le visage du grand maître d’Oḍḍiyāna et on entendra alors ses profondes et mélodieuses paroles. Plus tard, à Ngayab Palri, on intègrera l’assemblée des vidyādharas masculins et féminins et on y pratiquera les mantras secrets. On franchira ainsi les Terres et les Voies pour atteindre le plein éveil. Qui récite cent fois sans interruption ce Bendza Guru quintessentiel, Sera apprécié par les autres
Et bénéficiera sans effort de nourritures, richesses et jouissances.
Qui le récite mille ou dix-mille fois
Submergera de sa splendeur les perceptions d’autrui
Et l’énergie des bénédictions ne connaîtra aucune entrave.
Qui le récite cent mille ou dix millions de fois,
Amènera les trois mondes sous son contrôle,
Subjuguera avec éclat les trois plans d’existence
Assujettira tous les dieux et esprits, sans exception.
Mènera sans obstacle les quatre activités éveillées
Et œuvrera de manière inconcevable pour le bien des êtres
En fonction de ses souhaits personnels.
Qui le récite trente millions ou soixante-dix millions de fois
Assujettira les huit classes de dieux et d’esprits
Sans jamais être séparé des bouddhas
Ni dissocié du Seigneur d’Oḍḍiyāna
Et toutes les tâches qu’il leur confiera seront accomplies.
Les meilleurs [pratiquants] réaliseront en cette vie le corps d’arc-en-ciel,
Les pratiquants intermédiaires embrasseront la Claire Lumière au moment de la mort
Et les moins bons se libèreront du saṃsāra dans le bardo.

Comme on le voit dans ces mots, le potentiel des bienfaits de cette pratique est inconcevable
et les décrire serait sans fin.


Voici l'article du jour :

Le sens des six paramitas

Nous allons parler à nouveau du développement de l’esprit de l’éveil, de la Bodhicitta. En tibétain, le terme « esprit d’éveil » signifie, littéralement, faire naître l’esprit, ouvrir l’esprit, avoir un esprit vaste.

Comment pouvons-nous rendre plus vaste cet esprit qui n’a pas de matérialité ? Comment peut-il naître puisqu’il n’a pas de forme, pas de couleur, pas de substantialité ? Si on comprend cela notre esprit devient vaste, c’est cela que l’on appelle « l’esprit d’éveil ».

Dire que l’esprit n’a pas de matérialité, qu’il n’a pas de forme particulière, pas de couleur, est compréhensible, mais la saisie très forte que nous avons du « je » subsiste, ce « je » est semblable à une pierre, et nous devons nous débarrasser de cette saisie. Si nous parvenons à éliminer la saisie du « je », notre esprit deviendra vaste et nous obtiendrons véritablement l’esprit d’éveil.

En réalité nous saisissons toujours ce « je », nous disons : « cela va, je vais bien », ou « je ne vais pas bien », nous avons toujours de l’attachement vis-à-vis d’autrui ou d’autre chose. Lorsque nous parlons de l’esprit, « sem » en tibétain, c’est comme si nous parlions de la « saisie » et c’est cette saisie même qu’il faut éliminer. Afin de ne plus avoir cette saisie -ce « je » semblable à une pierre- le Bouddha a donné 84 000 sortes d’enseignements différents, c’est-à-dire toutes sortes de méthodes différentes, car il n’est pas facile de se débarrasser de cette saisie.

Ainsi dans la tradition du Dharma, dans la tradition bouddhiste, il y a dans un premier temps l’introduction à l’esprit. Pour beaucoup d’entre nous il est difficile de tourner l’esprit vers l’intérieur, pour voir, pour reconnaître celui qui est toujours en train de penser. La preuve que nous ne le reconnaissons pas c’est que nous recherchons le bonheur à l’extérieur. Ceci est le signe de la non-reconnaissance de l’esprit.

Tous les êtres cherchent le bonheur à l’extérieur mais il ne se trouve pas à l’extérieur car le bonheur se trouve à l’intérieur de nous. Ne reconnaissant pas cela nous le cherchons toujours à l’extérieur et nous souffrons. Voilà pourquoi le Bouddha a dit :

Ne cherchez pas le bonheur à l’extérieur, car il est à l’intérieur de vous. Si vous le pouvez mettez-vous en retraite mais si ce n’est pas possible, de toute façon vous devez examiner votre esprit.

C’est pourquoi quand nous allons bien, nous devons voir celui qui dit ou pense « je suis bien », et de la même manière quand nous sommes dans le mal-être, il faut reconnaître celui qui dit « je vais mal », c’est cela la reconnaissance, c’est cela l’introduction à l’esprit. Ainsi il faut, dès le début, instantanément, très rapidement, reconnaître cela. Si nous ne reconnaissons pas cela, nous ne pouvons pas aller sur le chemin du Dharma.

Et si nous ne reconnaissons pas l’esprit (celui qui pense), si nous cherchons le bonheur à l’extérieur, nous ne pourrons pas le trouver, même si nous méditons, même si nous pratiquons, c’est pour cette raison qu’il est important, même pour les débutants, de le reconnaître.

Dès que celui qui saisit toutes ces pensées est reconnu et que toutes les pensées discursives sont reconnues, les apparences extérieures deviennent des amies car en les prenant comme supports nous pourrons obtenir le bonheur intérieur.

Pourquoi en est-il ainsi ? Parce que nous pourrons reconnaître que ces apparences que nous considérons comme extérieures ne sont que les apparences de notre propre esprit. Sans cette reconnaissance, les apparences extérieures subsistent et il y a saisie de l’esprit, il y a saisie dualiste, car la saisie de l’esprit saisit les apparences extérieures. Tant que la saisie de l’esprit désire obtenir ces apparences extérieures, elle ne le pourra pas, à cause de la saisie dualiste.

C’est pourquoi, dès le début, le plus important est de reconnaître l’esprit de manière véritable. Quand nous parlons de reconnaître l’esprit, nous pensons qu’il y a un endroit où nous pouvons le reconnaître, mais il n’y a pas d’endroit. Parce qu’en fait, au départ, c’est la pensée elle-même qui doit se reconnaître, c’est la pensée discursive elle-même qui se reconnaît et lorsqu’elle est reconnue, finalement, elle se libère d’elle-même.

En tibétain, on dit que c’est semblable à un serpent noué et qui se dénoue tout seul. Par analogie, il est dit alors que la pensée se libère d’elle-même. Ainsi pour commencer il faut que la pensée discursive se reconnaisse elle-même. Actuellement, pour l’instant, cette auto-libération de la pensée ne peut pas avoir lieu puisque nous n’avons pas obtenu l’auto-connaissance, « rigpa ». Voilà pourquoi il est important que la pensée elle-même se reconnaisse.

Que signifie « c’est la pensée discursive elle-même qui doit se reconnaître » ?

Cela signifie que lorsqu’elle reconnaît qu’elle n’a pas de matérialité, de forme, de couleur, elle se libère, n’est-ce pas ? Donc lorsqu’elle est libérée, il y a reconnaissance de l’esprit. C’est cela la reconnaissance de l’esprit. Il n’y a pas d’endroit où cela s’effectue, il s’agit uniquement de la reconnaissance de l’esprit. C’est cela l’esprit d’éveil de la vérité ultime, la Bodhicitta de la vérité ultime, dans cet état il n’y a plus de frontières, il n’y a plus de barrières, il n’y a plus de murs.

En tibétain, comme en français, on parle d’un esprit ouvert. Comme c’est ouvert à ce moment-là, il n’y a plus rien, n’est-ce pas ? Dans cette totale ouverture, il n’y a plus de portes. La saisie que nous avons de l’esprit serait comme une porte qui peut être ouverte, mais aussi fermée. Dans l’état de l’esprit ouvert, il n’y a pas de fermeture, il y a juste ouverture et cette ouverture est présente depuis des temps sans commencement, car en fait il n’y a jamais eu de fermeture, il n’y a jamais eu de porte. Depuis des temps sans commencement, c’est ouvert ! C’est cela la différence entre les Bouddhas et les êtres ordinaires, chez les êtres ordinaires c’est fermé [1], alors que, pour les Bouddhas, il n’y a pas de saisie et l’esprit est complètement ouvert ; il n’y a pas de fermeture, il n’y a qu’ouverture.

Quand la personne voit, quand elle a cet esprit d’éveil naturel, la compassion apparaît spontanément. C’est semblable à un adulte qui regarderait un enfant, peu importe ce que fait l’enfant, qu’il pleure, qu’il rie, qu’il fasse ceci ou cela, il le regardera en reconnaissant que tout cela n’est que des jeux d’enfant. L’être qui voit, qui est doté de l’esprit d’éveil, est dans un état d’ouverture total. De tels êtres, quand ils nous regardent évoluer avec nos saisies, nous voient comme si nous étions des enfants. Celui qui a cette ouverture n’a plus de pensées discursives car il reconnaît la non-saisie des pensées, il reconnaît que depuis des temps sans commencement, ces pensées sont auto-libérées.

Après avoir été confronté à la reconnaissance, à l’introduction à l’esprit, il ne faut pas en rester là. Il faut qu’à nouveau, grâce au rappel, nous nous entraînions à cette reconnaissance, car sans la vigilance, il y a le danger qu’un jour, nous l’oubliions. Jowo Atisha a dit ceci :

Si on ne pratique pas de manière continue, il y a le danger de retomber dans le désir-attachement.

Donc le moyen de ne pas oublier et d’avoir cette ouverture est l’échange de soi et d’autrui, c’est ce que nous avons vu la dernière fois, c’est cela que nous devons pratiquer.

Dans cet état d’ouverture, on expérimente alors une grande félicité, inexprimable, car on obtient tout. C’est différent de notre état car nous désirons beaucoup de choses que nous n’arrivons pas à obtenir. Cet être de grande ouverture est dans l’état de grande félicité et puisqu’il n’a absolument aucune saisie de cet état, il donne à tous, d’une manière spontanée. Nous sommes des débutants et nous offrons toujours quelque chose avec l’espoir d’obtenir autre chose en retour. Nous pensons « cette personne va avoir de la joie dans son esprit ». En fait on attend toujours un petit quelque chose.

Puis Jowo Atisha continue en parlant de celui qui est doté de l’esprit d’éveil, qu’il a de la compassion vis-à-vis de l’ensemble de tous les êtres, et quand il voit la souffrance de tous les êtres, il prend naturellement sur lui l’ensemble de cette souffrance.

Pourquoi est-ce ainsi ?

Parce qu’il reconnaît que l’ensemble des êtres ne reconnaît pas la vacuité de toutes les pensées discursives et que c’est pour cela qu’ils ont toutes sortes d’émotions perturbatrices. Cette personne dotée de l’esprit d’éveil reconnaît et voit l’ensemble de toutes les émotions perturbatrices comme étant un non-sens, et grâce à la vue de ce non-sens, la compassion naît spontanément.

Chen Lawa, un Lama Kadampa, a dit ceci :

Quand les êtres ordinaires regardent les autres, ils se disent : ‘c’est moi le plus important’ alors que ceux dotés d’un esprit vaste, se disent : ‘ce sont eux les plus importants’.

D’une manière générale, quoi que nous fassions, nous pensons toujours à trouver des moyens pour être bien, à l’endroit où nous allons vivre, à la manière dont nous allons vivre car nous ramenons toujours les choses à nos propres sensations, à ce que nous sommes nous-mêmes. Nous avons beaucoup de « moi », beaucoup de « je ». C’est moi ! C’est moi le plus important ! Il y a ma famille, donc c’est « ma » famille, il y a « mes amis » et c’est toujours « moi, moi ». On pense toujours à « moi », toujours à « je », et si même on disait : « là, je pense aux autres » en réalité on ne pense qu’à soi.

Les pensées du grand accompli Chen Lawa et les nôtres sont vraiment des pensées contradictoires. Chen Lawa, qui avait compris que les pensées se libéraient d’elles-mêmes, voyait que nous n’avons pas la compréhension de cette saisie dans laquelle nous nous trouvons. Il voyait que nous ne pouvons pas nous libérer de nos propres pensées, c’est pour cette raison qu’il eut spontanément de la compassion à notre égard.

Un autre Bodhisattva, Tok Mé, a dit ceci :

D’où proviennent toutes les souffrances ? Elles proviennent de la saisie du ‘je’.

Toutes ces souffrances ne proviennent que de la saisie que nous avons du « je ». En réalité, nous ne pensons pas à la souffrance, nous pensons toujours : « je désire obtenir le bonheur » et c’est à cause de cette pensée que toute la souffrance apparaît.

C’est pourquoi l’état de Bouddha parfait, c’est-à-dire cet état de perfection de l’esprit purifié, conduit au bonheur, à la parfaite félicité. Et le Bodhisattva Tok Mé ajouta :

Quand on reconnaît l’état parfait de Bouddha, on pratique l’échange de soi et d’autrui d’une manière parfaitement pure.

Dire : « je pratique l’échange de soi et d’autrui » ne signifie pas pour autant que cela est fait de manière véritable, ce ne sont que des paroles.

Cela peut paraître un peu amusant d’entendre parler de l’échange de soi et d’autrui. Il est vrai que les moines disent souvent : « je suis un Bodhisattva et je pratique comme un Bodhisattva ». Mais si à ce moment-là quelqu’un prend une chaussure et se met à frapper sur sa tête, la personne instantanément va vouloir se protéger. C’est-à-dire que, même si on désire pratiquer l’échange de soi et d’autrui, la saisie du soi subsiste du fait que l’on veut encore se protéger ; et dans ce cas-là on ne va pas protéger autrui mais on va chercher à se protéger soi-même. Voilà pourquoi, au départ, nous devons faire naître cet état d’esprit. Ensuite, après l’avoir fait naître en notre esprit, nous pourrons le pratiquer grâce aux cinq paramitas.

Khenpo Chiwala, l’érudit Chiwala, de l’université de Nalanda, dit :

Quelles que soient les nuisances expérimentées par les habitants de cette terre, que ce soit la peur, la souffrance ou le bien-être, toutes ces pensées discursives apparaissent dans leur esprit et proviennent de la saisie du « je ». C’est pourquoi cette saisie du ‘je’ est notre plus grand ennemi.

Même si tout l’espace était rempli par des démons, même si on voulait les tuer tous pour qu’il n’y en ait plus un seul, on n’y parviendrait pas. Si on essayait, durant cette vie, et les autres, de tuer tous ces démons, ce serait impossible, c’est pourquoi il vaut mieux détruire notre saisie dualiste, notre orgueil, et détruire celui qui est en colère. Si nous y parvenons, cela équivaut à tuer tous les démons qui embrassent et pénètrent complètement l’espace. Prenons un exemple : recouvrir l’ensemble de toute la terre avec du cuir pour protéger nos pieds est impossible, il suffit juste de découper un morceau de cuir et de nous en faire une paire de chaussures pour les protéger.

C’est pourquoi vouloir détruire tous les ennemis extérieurs est sans fin, même avec d’innombrables bombes, il en reviendrait d’autres encore et encore, mais, si on a le désir, la pensée de détruire celui qui est en colère, c’est-à-dire la saisie du « je », nous détruisons l’ensemble de tous les ennemis.

Mettre en pratique l’esprit d’éveil, c’est mettre en pratique les six paramitas qui sont : la générosité, l’éthique, la patience, la persévérance, la méditation et la sagesse transcendante.

Dans un texte de Longchen Rabjampa, Le Parachèvement des Qualités, il est dit : « Au départ, je dois accumuler du mérite, grâce à la générosité, l’éthique, la patience, la persévérance et la méditation qui sont les cinq premières paramitas et sur le support de celles-ci je pourrai parachever la Sagesse Transcendante qui est la sixième paramita. »

La paramita de la Sagesse, la Prajnaparamita, est la perfection des cinq autres paramitas. Telle une graine plantée dans la terre et bien arrosée, elle va pousser, s’épanouir et donner un fruit, et cette Sagesse transcendante est le fruit.

Si nous voulons résumer nous pouvons dire que les six paramitas sont les deux accumulations : l’accumulation de mérites avec conceptualisation et l’accumulation de Sagesse sans conceptualisation.

Donc les cinq premières paramitas sont la perfection de l’accumulation des mérites, et la sixième paramita, la Sagesse Transcendante, est l’accumulation de sagesse sans conceptualisation. Et s’il n’y a pas le support de ces deux accumulations, il ne peut pas y avoir obtention de l’état de Bouddha. Sans ce support, nous ne pouvons pas obtenir l’état d’éveil.