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Enseignement

Le bardo du devenir 2

Paris, le 4 octobre 2001

Résumé : Ecouter les enseignements et pratiquer pour reconnaître l’illusion du samsara et de celui qui l’expérimente afin de pouvoir se libérer lors du Bardo du Devenir.

Quel est le sens de l’écoute d’un enseignement ?

Le monde est un mensonge mais nous ne le reconnaissons pas, nous le prenons pour véritable. C’est pour reconnaître cela que nous écoutons le Dharma. Le sens en est celui-ci. Nous sommes dans l’état intermédiaire de la non reconnaissance que le samsara, que notre monde est mensonge. Parce que nous ne le reconnaissons pas, nous souffrons et nous errons continuellement dans cette souffrance. Si nous reconnaissons la nature même de ce mensonge, si nous avons cette compréhension, les difficultés, alors, ne surviendront plus. C’est parce que nous saisissons ce mensonge et le prenons pour vrai, que nous avons cette saisie, que nous errons dans le samsara, que nous errons dans notre monde. C’est pourquoi le Bouddha Shakyamuni lui-même a dit que notre monde est semblable à un rêve. Lors de l’enseignement sur l’état intermédiaire du rêve, nous avons vu que les rêves que nous expérimentons la nuit étaient semblables à ce que nous pouvons expérimenter durant le jour et que cela aussi était un rêve. Il n’y a aucune différence entre l’aspect nocturne et l’aspect diurne. Nous connaissons cela car, même si nous nous endormons tranquillement, il peut arriver que nous expérimentions en rêve toutes sortes de souffrances, de difficultés. Nous souffrons car nous prenons pour vrai, pour réel, toutes les apparences qui surgissent durant ce rêve. Nous saisissons ces apparences. Si dans notre rêve, nous reconnaissons toutes les apparences comme n’étant qu’un rêve, tout ce qui peut survenir, même la peur sera reconnue comme n’étant pas réelle et là, nous n’aurons plus peur. Il en est de même pour la sensation de faim dont nous avions parlé la dernière fois. Elle peut se manifester durant le sommeil. Nous saisirons la faim dans notre rêve et si nous pouvons reconnaître que ce n’est qu’un rêve, alors, la faim n’existera plus. Actuellement, toutes les apparences sont semblables à un rêve. Il n’y a pas de différence mais nous ne le reconnaissons pas. Après notre mort, nous allons passer dans l’état intermédiaire du Devenir et là, comme dans un rêve, nous allons expérimenter toutes sortes de choses, la faim, le froid. Tout cela sans avoir de corps. Alors qui expérimente cette faim ? Qui expérimente ce froid ?
Pour reconnaître ce mensonge, il y a des moyens. Pour en réaliser sa nature même, petit à petit, il y a la reconnaissance que ce mensonge n’est pas véritable.

Donc, la dernière fois, nous nous étions arrêtés au moment du Bardo du Devenir.
Nous avons vu :
– qu’il nous fallait pratiquer isolé dans un endroit solitaire,
– que nous devions nous dire que nous étions morts et que nous étions dans le Bardo du Devenir,
– que nous devions penser également que tous nos proches et amis, eux aussi, étaient morts et qu’il était donc tout à fait possible de les rencontrer dans ce Bardo du Devenir.
Dans cette pratique, nous allons nous entraîner à méditer des divinités. Nous devons penser que nous sommes dans le Bardo du Devenir et que nous devons méditer que toutes les apparences qui surgissent sont des divinités. A ce moment-là, tous les phénomènes extérieurs, c’est-à-dire notre monde et tous les phénomènes intérieurs, c’est-à-dire l’ensemble des êtres vivants devront être visualisés comme suit :
– tous les phénomènes extérieurs seront vus comme un paradis pur et tous les êtres qui y habitent, comme des divinités,
– tous les démons (voir l’enseignement précédent) ne devront pas être visualisés comme tels mais comme des divinités pures,
– tous les sons que nous entendons, toutes paroles prononcées sont les mantras des divinités.

C’est ainsi que nous devons méditer dans un endroit solitaire et il est bien de méditer ainsi.
L’endroit où nous nous trouvons, cet endroit même est un paradis pur de Bouddha mais nous ne le reconnaissons pas. Si nous nous trouvons dans un endroit où nous nous sentons bien, dans un lieu agréable, nous allons nous dire que nous sommes vraiment dans un paradis pur. En pensant cela, nous allons avoir de l’attachement envers cet endroit mais ce n’est pas la vraie compréhension de ce qu’est un paradis pur. Pour comprendre ce qu’est un paradis pur, il faut reconnaître la pureté de notre esprit, de nos propres apparences. Et c’est en réalisant que nos apparences sont parfaitement pures que nous pourrons voir que les apparences extérieures sont, elles aussi, parfaitement pures. Dans tous les êtres, dans chacun d’entre-nous, il y a la graine du Tatagatagarba, c’est-à-dire le potentiel de l’état de Bouddha. L’ensemble de tous les êtres sont parfaitement purs parce qu’ils sont Bouddha. Si notre esprit est souillé par les émotions, il est impur et nous voyons l’ensemble des autres êtres comme des esprits impurs, des esprits souillés de même par les émotions. Ce n’est pas les aspects extérieurs qui sont impurs, c’est notre propre esprit qui n’est pas reconnu comme pur et qui est vécu comme impur. Donc, nous devons purifier les défauts de notre propre esprit. Il ne faut pas s’occuper des défauts des autres car ils sont absolument inépuisables. Comment pouvons-nous ainsi avoir la possibilité de travailler sur les autres ? Nous devons travailler sur notre propre esprit. Si nous nous mettons en colère, ce ne sera pas quelqu’un d’autre qui pourra arrêter notre propre colère, c’est nous-mêmes qui devons la stopper. Si nous arrivons à trouver la paix dans notre esprit, l’ensemble des êtres qui nous entourent eux aussi seront paisibles. C’est la raison pour laquelle nous devrons purifier les défauts de notre esprit. Lorsqu’il sera purifié, nous verrons l’ensemble de toutes les apparences parfaitement pures. C’est pourquoi il est dit que cela ne dépend entièrement que de nous, que de notre propre esprit. Si nous purifions notre courant de conscience, tous les êtres auront spontanément et naturellement l’apparence des divinités. Dès à présent, si notre esprit est pur, tous les sons que nous entendrons seront perçus comme la parole des divinités, comme des mantras car nous n’aurons pas de saisie sur les sons que nous entendrons. Certains textes tibétains parlent des sons ali kali. Ces sons font référence aux sons naturels. Ces consonances naturelles sont présentes dans les sons. Il est dit que les sons ali tournent vers la droite, que les sons kali tournent vers la gauche et qu’au milieu se trouve le son du mantra des douze causes interdépendantes. Qu’entre les deux consonances ali kali se trouve le son. Pour qu’il y ait un son, il faut deux objets. Prenons l’exemple de la tasse et de la main. S’il n’y a que la tasse, il n’y a pas de son, s’il n’y a que la main, de même, les deux sont donc nécessaires. C’est pourquoi la nature même du son est parfaitement pure. Le son se manifeste parce qu’il y a un support mais nous ne pouvons pas le saisir car il est parfaitement pur. C’est pourquoi au travers des sons ali kali, l’ensemble de tous les sons perçus sont parfaitement purs. Tous les mantras des divinités sont la nature même des sons.
En méditant que toutes les apparences sont de nature parfaitement pure, que les divinités que nous visualisons sont parfaitement pures, que tous les sons que nous entendons sont parfaitement purs tels les corps et les mantras des divinités, nous ne serons pas dans l’obscurité. C’est ainsi que nous devons nous entraîner et cet entraînement s’effectue dans cette vie-ci, dans le Bardo de la Naissance.

Après avoir acquis une expérience au cours du Bardo de la Naissance, après notre mort, au moment de l’état intermédiaire du Devenir, nous nous rendrons compte que nous nous trouvons dans le Bardo du Devenir. Au travers de cette reconnaissance, nous effectuerons la phase de création, en méditant une divinité. Ainsi en méditant la divinité, n’ayant plus de corps, nous deviendrons immédiatement cette divinité. Par le souvenir de cette méditation, nous deviendrons la divinité. Mais sans entraînement, cela n’est pas possible. Celui qui s’entraîne bien, peut déjà au travers des rêves, en avoir l’expérience, en avoir une compréhension car celui qui s’entraîne dans l’état intermédiaire du rêve va devoir reconnaître qu’il est dans le rêve. L’ayant reconnu, si en un instant, il se dit : « Je suis une divinité. », il sera en un instant cette divinité. De même, grâce à la pratique de la méditation, il pourra méditer dans son rêve qu’il est dans un paradis pur, qu’il y a un Bouddha, qu’il y a des disciples et qu’il est en train d’écouter des enseignements. Il pourra le faire car il aura la reconnaissance qu’il est dans un rêve. Donc, si nous avons cet entraînement dans le rêve, dans le Bardo du Devenir, il sera tout à fait possible de faire de même.

Celui qui est capable dans le Bardo du Devenir, de méditer ainsi, pourra fermer toutes les portes du samsara, toutes les portes du cycle de l’existence. A ce moment-là, cet être aura la possibilité de choisir où renaître à l’endroit où il pourra pratiquer le Dharma. Il lui sera aussi possible de choisir ses parents, son père, sa mère. Ainsi, puisque la porte des renaissances dans le cycle des existences sera fermée, cet être-là sera détenteur de la connaissance. Ayant acquit Rigpa, la Connaissance, il restera dans sa renaissance détenteur de la connaissance et il aura la possibilité d’atteindre l’état de Bouddha, l’État d’Éveil. D’une manière générale, il en est ainsi dans le Bardo du Devenir. Dans le Bardo du Devenir, les êtres ont un grand désir, un très grand attachement car dans cet état intermédiaire, nous avons la possibilité de voir énormément d’êtres. Si nous avons un très grand attachement pour ces êtres, nous renaissons, nous devenons leur enfant. Au moment du Bardo du Devenir, quand un être voit certains êtres, par exemple une jolie femme, il va avoir de la saisie. Celui qui aura entraîné son esprit va reconnaître cet attachement et se dira qu’il est dans l’illusion. Il aura le rappel de la méditation. Si au travers cet attachement, il y a le rappel et qu’il médite la divinité en union, cet être ne reprendra pas naissance par exemple en tant qu’animal. Il reprendra naissance dans un paradis pur. Le désir et l’attachement pour autrui ne signifie rien d’autre que notre propre attachement. Si nous reconnaissons cela et que nous méditons ce désir comme la divinité, en un instant, nous devenons la divinité. Nous devenons l’éclat même de la divinité. C’est maintenant en ce monde que nous devons nous entraîner de cette manière car pendant le Bardo du Devenir, il sera trop tard.

Dans ce Bardo du Devenir, à cause du désir et de l’attachement que nous allons avoir envers les autres êtres, nous pourrons prendre renaissance en tant qu’homme ou femme. Si nous renaissons homme, c’est que nous aurons ressenti de la colère pour notre père et de l’attachement pour notre mère au moment du Bardo du Devenir. Donc, si nous avons de l’attachement pour notre mère, nous renaîtrons en tant qu’homme. Et à l’inverse, si nous renaissons en tant que femme, dans le Bardo du Devenir c’est que nous avons eu du désir, de l’attachement pour notre père et que nous avons eu le rejet de notre mère. Si nous nous entraînons dans cette vie ci, au moment du Bardo du Devenir, à l’instant même où nous reconnaissons Rigpa, la Connaissance, nous pourrons utiliser différents moyens pour renaître homme ou femme, beau, etc. Par exemple, pour avoir un corps doté d’une intelligence éveillée, nous réciterons le mantra de Manjushri durant le Bardo du Devenir et ce, jusqu’au moment où nous irons dans la matrice de la mère. Si nous méditons notre corps comme la syllabe Hung, nous obtiendrons un corps très fort. Les êtres ordinaires qui ne sont pas entraînés à la méditation, ne reconnaîtront pas qu’ils sont dans le Bardo du Devenir et ils auront un très grand attachement pour les êtres qu’ils verront. A cause de cela, ils renaîtront dans les différents mondes d’existence, que ce soit dans le monde animal, des enfers ou dans un autre monde.

Si dans cette vie-ci, nous avons un très grand désir, un très grand attachement envers quelqu’un et que nous le reconnaissons, en méditant sous la forme d’une divinité, cela va détourner ce désir, cet attachement. Lorsqu’un un homme a un très grand désir pour une femme ou une femme un très grand désir pour un homme, ils sont dans l’émotion parce qu’il suivent ce désir. S’ils reconnaissent ce désir, s’ils le détournent, tout deviendra divinité. Cet entraînement, cette habitude se prend au moment de la phase de création. Si nous n’avons pas cet entraînement, cette habitude, nous sommes sous l’emprise d’un désir-attachement tout à fait ordinaire. Si c’est ainsi, nous n’avons aucun moyen de travailler avec. Dans un premier temps, les débutants doivent arrêter, stopper, ces émotions. Lorsqu’ils auront obtenu un esprit plus stable avec moins de saisie, ils pourront utiliser ces différentes émotions. Dés à présent, nous pouvons le voir. Si nous sommes attirés par quelque chose de beau, nous allons dire : « Oh comme c’est beau ! ». Si quelque chose nous déplait, pour laquelle nous avons du rejet, instantanément, nous dirons : « Oh comme c’est laid ! ». Tout cela montre bien que nous avons de très fortes saisies envers des objets extérieurs.

Obtenir l’intelligence éveillée qui nous permettra d’examiner correctement chaque chose ne dépend entièrement que de nous. Je ne peux pas dire : « Voilà, je vous donne ma grâce et tout est fait. », non, cela ne fonctionne pas ainsi. Je vais vous donner les moyens et c’est à vous de vous entraîner. Dans notre monde, les êtres ordinaires veulent immédiatement du bien-être et du bonheur. Bien sûr, vous pouvez ressentir du bonheur mais sur un temps très court et cela ne sera pas d’une grande aide à notre mort. Cela ne nous aidera pas. Nous ne pourrons pas emporter le bonheur avec nous. Le bonheur que nous pensons obtenir, nous ne l’obtenons pas, nous ne le réalisons pas. Ce bonheur-là ne pourra pas nous aider au moment de notre mort.

Et pourquoi cela ?

C’est parce qu’il n’est que temporaire.
Lorsqu’une personne joue de la musique, cela ne dure que le temps de la musique, c’est éphémère. Ce soir, par exemple, je vais vous donner toute ma grâce pour que vous soyez dans le bonheur. Pendant quelques temps, vous serez ainsi, dans cette grâce, mais au bout de quelque temps, cette joie ne sera plus. Elle ne vous aidera plus. Je ne fais que vous donner des moyens pour obtenir le bonheur, le bien-être. En fait, ce que je fais-là, ce soir, c’est que je vous donne des moyens pour que, chez vous, vous puissiez vous entraîner afin d’obtenir le bonheur véritable, le bonheur ultime, la félicité véritable. Tout cela va dépendre de votre intelligence éveillée. Certains vont comprendre le sens véritable des mots, d’autres vont comprendre les mots mais pas le sens. Il ne faut pas saisir les mots, ce n’est pas cela qui nous apportera le sens des mots, il n’y aura pas de bienfait.

Si je reprends l’enseignement de ce soir, nous avons tous, homme ou femme, de l’attachement envers des objets extérieurs. A chaque fois que nous avons du désir, nous pouvons méditer les divinités. Si nous visualisons cet objet de désir en tant que divinité, il n’y aura plus de désir. Ce sont des moyens pour pouvoir bloquer, stopper vos émotions. Mais, si en même temps, en voyant de jolies femmes, vous êtes attirés par elles, ce que je vous ai dit n’est d’aucun bienfait. Dans ce cas, il n’y a pas d’intelligence éveillée. Parce que vous créez de l’émotion alors que je vous ai donné le moyen de la stopper. Si vous avez ces émotions cela montre bien qu’il n’y a pas d’intelligence éveillée.

Et maintenant, nous devons méditer.