L’ensemble de la pensée éveillée du Bouddha est devenu ce que nous pouvons appeler une coutume ou plus particulièrement une tradition spirituelle, car il s’est transformé. À l’origine il n’était pas fabriqué par l’intellect, par des pensées discursives, il n’était pas comme toutes les sortes de pensées que nous pouvons avoir actuellement.
Le Dharma qui est l’enseignement nous permet de pouvoir maîtriser, de dompter l’ensemble de toutes nos émotions perturbatrices. Bouddha lui-même était, avant son éveil, un individu complètement ordinaire, puis il a réussi à discipliner son esprit, à le dompter, et pour cela il a trouvé toutes sortes de méthodes différentes, d’antidotes qui ne sont rien d’autre que des moyens.
Il nous est facile de comprendre toutes les pensées des êtres ordinaires, et de comprendre leurs coutumes, mais il est difficile pour nous de reconnaître toutes nos pensées discursives, car nous sommes sous leur emprise. Ce sont les émotions perturbatrices qui nous empêchent de les reconnaître. Par exemple, prenons un mala, c’est un support, une méthode de rappel, de vigilance. Dans un premier temps, nous comprenons que le mala n’est rien d’autre qu’un rappel. Petit à petit, nous allons oublier qu’il n’est qu’un moyen et nous allons nous y attacher ; nous allons le saisir et sur le chemin, nous allons nous tromper nous-même. À cause de notre saisie, et parce que nous sommes sous l’emprise d’émotions perturbatrices, nous allons saisir les différents moyens.
Nous saisissons l’enseignement du Bouddha qui recèle 84000 sortes d’enseignements différents. Actuellement il y a les traditions Kagyu, Nyingma et les autres écoles du Dharma qui sont toutes la pensée éveillée du Bouddha Shakyamuni. Lui-même n’a pas défini que tel enseignement devait faire partie de telle école particulière, ou que tel autre devait appartenir à telle autre école. Mais à présent ces écoles existent et elles se querellent entre elles bien que tous ces enseignements soient l’esprit éveillé du Bouddha.
Pourquoi y a-t-il différentes écoles au Tibet ?
Cela fait référence, littéralement, à l’avant, à l’après et puis à l’intermédiaire. L’après, c’est l’école Guélug, ce sont ceux qui sont venus après, ce que nous traduisons encore en Tibétain par Cerpa, qui signifie les Nouveaux, littéralement, la Nouvelle Tradition. L’école Nyingma signifie les Anciens, c’est la première tradition qui est apparue au Tibet, et l’école Kagyu est la tradition intermédiaire.
Les enseignements du Bouddha Shakyamuni ne font pas la distinction entre toutes ces écoles, mais en Occident on le fait.
Certains disent : Je fais partie de la Tradition Kagyupa alors je ne vais pas aller vers la tradition Nyingmapa. Non, non, les Nyingmapa eux restent dans leur coin. Moi je suis Kagyupa, je reste Kagyupa et c’est très bien comme ça.
Ou le contraire, les Nyingmapa disent : Ah non, je ne vais pas aller chez les Kagyupa, c’est pas bien du tout, je reste chez les Nyingmapa.
Au Tibet, cette distinction est présente mais d’une manière beaucoup moins forte. A partir du moment où un grand Maître donne un enseignement, qu’il fasse partie de la tradition Guélug, Nyingma, Sakya ou Kagyu, cela n’a pas véritablement d’importance. En Occident et à Taiwan, c’est très important.
J’ai rencontré un homme à Taïwan qui a commencé à me parler et puis qui m’a dit : Je suis vraiment très content de vous avoir rencontré, vraiment très content.
Puis au cours de la conversation, il m’a posé cette question : De quelle tradition êtes-vous ?.
Je lui ai répondu : La tradition Nyingmapa, alors il m’a dit : Ah ! non, alors ça ne va pas, moi je suis Kagyupa, je ne peux rester ! et il est parti. Ainsi si nous faisons cette distinction, nous ne pouvons pas réaliser l’esprit éveillé du Bouddha. Tout cela pour dire que nous sommes toujours sous l’emprise des émotions perturbatrices !