Par exemple, nous sommes tous installés là et une nouvelle personne arrive. Nous pensons : « Moi, il me faut une place. ». Si installés, nous pensons ainsi : « Moi, j’ai de toute façon besoin de ma place. », notre esprit n’est pas vaste, il n’est pas tourné vers le bien d’autrui. De même, si nous sommes en train de lire le livret de prières et qu’à côté, le voisin n’a pas de livret, se déplacer un peu de côté en s’éloignant de lui en pensant : « C’est moi qui lit ce livret tout seul. », là encore, ce n’est pas avoir un esprit vaste. Nous nous disons : « Ce livret est à moi, c’est mon livret et puis l’autre, c’est l’autre. ». Si nous pensons ainsi, notre esprit est vraiment étriqué, étroit. De même, si nous voyons une personne en difficulté avec d’autres personnes et que nous n’essayons pas de l’aider, nous avons un esprit étroit, un esprit étriqué. Là nous pouvons dire que notre propre esprit est dans la saisie de nous-mêmes car nous ne pensons qu’à nous-mêmes. Donc, nous devons abandonner cet esprit étroit et étriqué et développer un esprit plus vaste, plus ouvert et pour cela il faut être détendu, avoir moins de saisie dans l’esprit. Nous avons tous cette maladie. Nous nous disons : « Je suis seul. », c’est une maladie que nous avons tous. Et si nous écoutons le Dharma de cette manière, quoique nous pensions sur le Dharma, il ne peut nous aider. C’est pareil pour les enseignements sur le Dzogchen, ils ne nous aideront en rien. Penser que le Dzogchen, la Grande Perfection est quelque chose de grand ne servira à rien si nous ne le mettons pas en pratique. Ce ne sera d’aucun bienfait. Dans le mot même du Dzogchen, il y a dzog qui signifie parachever.
Qu’est ce qui est parachevé ? Qu’est ce qui est arrivé à perfection ?
Cela signifie que toute la saisie du soi, toute la saisie que nous pouvons avoir sur notre propre esprit est complètement éliminée, l’esprit est purifié, amenée à la perfection. Toutes les émotions sont complètement éliminées et ainsi se développe l’esprit du Bodhisattva, l’Esprit d’Éveil.
Que signifie stopper, éradiquer, parachever les émotions ?
Par exemple, si quelqu’un nous dit quelque chose que nous n’aimons pas entendre, au lieu de faire des grands yeux à cette personne-là (ce qui signifie que, dans très peu de temps, nous allons nous mettre en colère), nous nous dessaisissons de cette émotion. C’est cela qu’il va falloir faire. Il va falloir éradiquer complètement les émotions. Si nous parvenons à le faire, cela signifie que toutes les émotions son terminées. Il n’y en a plus. C’est alors que nous pouvons parler de détente ou encore de non-saisie. Quand nous parlons de détente ou de non-saisie, cela signifie que peu importe ce que nous dit la personne, peu importe si c’est désagréable ou agréable, nous n’avons absolument aucune réaction envers ces paroles agréables ou désagréables. A l’inverse, nous sommes dans la saisie si ce que l’on nous dit nous rend contents ou mécontents. Dans le premier cas nous sommes heureux, détendus, dans le second cas nous ne sommes pas dans la détente donc, dans ces deux cas, nous ne sommes pas dans la non-saisie. Cette personne qui expérimente le bonheur ou la souffrance se trouve dans l’errance du samsara et au moment du Bardo du Devenir, cette personne va errer dans cet état intermédiaire.
De quelle manière faut-il s’entraîner dans le Bardo du Devenir ?
Grâce à la foi, nous nous entraînons à fermer les six portes de la renaissance des six classes d’êtres. Au travers de la pratique de la phase de création, nous fermons les six portes des renaissances.
Quels différents orifices allons-nous bloquer ? Par exemple, si nous fermons l’orifice du bas, nous fermons la porte de la renaissance dans les enfers. De manière générale, nous éprouvons du bonheur et c’est en le saisissant qu’apparaît l’attachement. Quand nous saisissons ce plaisir, apparaît l’attachement. Pour ce qui est du plaisir que nous pouvons éprouver, ce texte ne donne pas de détails. Mais pour ce qui concerne le plaisir qu’un homme et une femme peuvent éprouver ensemble, il y a tout un apprentissage, un entraînement à avoir au préalable pour obtenir des explications plus détaillées sur ce plaisir ou cette félicité. Il faut tout d’abord s’entraîner sur les canaux, les souffles et les tiglés. Dans un premier temps, il nous faut obtenir la maîtrise complète des souffles pour ensuite s’entraîner sur les tiglés. Et quand nous avons une maîtrise parfaite des tiglés, à ce moment-là, nous pouvons expérimenter les quatre sortes de joies. La joie, la joie suprême, la joie particulière et la joie co-émergente ou joie immédiate. Ces différentes joies sont expérimentées progressivement. Qu’un homme regarde une femme et qu’il ait du désir ou qu’une femme regarde un homme et qu’elle ait du désir, s’ils reconnaissent ce désir même pour ce qu’il est, alors il n’y a pas de saisie. Si ce désir est transformé en de la foi et de la dévotion, il n’y a plus d’attachement. Ce désir est reconnu comme la foi et la dévotion. Cet attachement, cette foi sont symbolisés par un pont jeté vers l’autre rive. L’attachement est le pont, le désir c’est la foi, la dévotion. Une fois que nous avons traversé ce pont, nous sommes sur l’autre rive. Nous devons véritablement nous entraîner à ces souffles pour reconnaître la nature même de cet attachement car tous les êtres ont ce désir. Actuellement, nous n’avons pas la possibilité d’avoir la maîtrise des souffles, donc de reconnaître le désir, l’attachement. Quand une personne voit cet esprit qui saisit, qui a de l’attachement, du désir, de la félicité, ce plaisir dans l’esprit, elle a la possibilité, grâce à la phase de création, de le transformer en de la foi et de la dévotion. Cet entraînement est principalement présent au moment du Bardo du Devenir. Et pourquoi cela ? Parce que dans le Bardo du Devenir, nous voyons beaucoup d’unions entre un homme et une femme, beaucoup de plaisir, de désir, de jouissance et si nous ne les reconnaissons pas, nous aurons du désir et nous reprendrons naissance dans l’une des six classes d’êtres. C’est pour cela que nous devons nous entraîner à développer la foi et la dévotion. Nous ne pouvons pas savoir ce que nous serons dans quelques temps. Le danger est grand. Peut-être que dans trois mois, nous serons un oiseau volant dans le ciel ou alors un mouton dans un pré ou un autre animal ou peut-être même, une chèvre avec des sabots. Maintenant nous sommes humains. Je vous le répète, il y a véritablement un grand danger. C’est pour cela que nous devons véritablement nous entraîner à la phase de création car actuellement nous ne reconnaissons pas le désir, l’attachement pour ce qu’il est. Nous n’avons pas, non plus, la possibilité de comprendre le sens véritable de l’initiation. Si nous comprenions le sens de l’initiation, nous pourrions alors recevoir l’initiation en yab youm, c’est-à-dire en union et nous aurions ainsi la possibilité de pratiquer. Et peut être que petit à petit, vous pourrez avoir la compréhension de ce qu’est une initiation.
Quoi qu’il en soit, quand nous parlons du Bardo de la Mort, du Bardo de la Vérité en Soi ou du Bardo du Devenir, au cours de ces trois états intermédiaires particuliers, il n’est plus possible de s’entraîner, c’est fini. C’est pourquoi l’état intermédiaire de la naissance est très important car c’est avec le support du corps humain que nous pouvons nous entraîner.
C’est pendant le Bardo de la Naissance que nous pouvons être introduits à la Vue, que nous pouvons être introduits à notre propre Vue. La nature de notre esprit n’a pas de naissance, n’est pas obstruée. Et c’est dans le Bardo de la Naissance que nous pouvons reconnaître la nature même de notre esprit. Nous parlons aussi des trois corps. En ayant la compréhension de notre propre esprit, cette compréhension peut apparaître de manière spontanée et naturelle. De cette manière-là, nous aurons la reconnaissance que toutes les apparences sont semblables à un rêve. Que tout ce que nous pouvons rêver la nuit ou tout ce que nous vivons le jour est semblable à un rêve, de la même manière. C’est dans ce Bardo de la Naissance que nous pouvons comprendre que notre esprit est non-né, qu’il n’a pas de fin, qu’il n’est pas. Cela signifie que notre esprit est vacuité. Si nous ne saisissons pas les apparences qui sont circonstancielles, si nous ne les saisissons pas, nous pourrons reconnaître qu’elles sont semblables à un rêve, à une illusion magique. Ainsi, au moment du Bardo du Rêve, nous pourrons reconnaître que nous sommes en train de rêver. En ayant cette reconnaissance, nous pourrons changer le rêve et nous pourrons même l’arrêter. Dans cet état particulier, nous n’aurons absolument aucune difficulté. Mais, actuellement, nous n’avons pas la capacité de maîtriser nos propres rêves.
Comment avoir la maîtrise de la reconnaissance des apparences au moment du Bardo du Devenir ?
C’est pour cette raison que le Bardo de la Naissance est important. Dans cet état intermédiaire, il nous est possible d’obtenir l’introduction à la Vue. Grâce à la foi et la dévotion, nous pourrons réaliser la Vue Parfaitement Pure et là, nous reconnaîtrons les apparences pour ce qu’elles sont et il n’y aura rien à transformer. La première chose importante est de bien examiner son esprit, de bien le comprendre, de se dire : « Mais d’où vient mon esprit ? Où demeure-t-il ? Où va-t-il ? Qu’est-il ? » Parfois, nous pouvons nous dire : « Quand vais-je obtenir Rigpa ? Quand vais-je obtenir la Connaissance ? Quand vais-je pouvoir réaliser le Dzogchen ? » Cette question est dans notre propre esprit. C’est à vous-mêmes, à votre propre esprit qu’il faut poser la question. Ce n’est pas à moi, c’est à votre propre esprit car le Dzogchen est dans votre propre esprit. Si nous avons la compréhension de la nature de notre propre esprit, nous réalisons le Bardo de la Méditation et le Bardo du Rêve de façon spontanée et naturelle, tout cela vient naturellement, de même au moment du Bardo de la Mort, au moment du Transfert de Conscience. La pratique de Powa, le Transfert de Conscience, n’est rien d’autre que la reconnaissance de Rigpa. Sans cette reconnaissance de Rigpa, il n’y a pas de Transfert de Conscience. Car lorsque nous avons réalisé Rigpa, la Connaissance, il n’y a plus besoin de transfert, le transfert c’est cette reconnaissance. Là, les souffrances de la mort ne surgissent pas. De même, il n’y a pas besoin de reconnaître ni le Bardo de la Vérité en Soi, ni le Bardo du Devenir car ils n’ont pas lieu d’être. Donc, tout d’abord, nous devons nous rendre compte que le Bardo de la Naissance est vraiment important. Nous devons nous poser la question : « Mais d’où vient notre esprit ? » Si notre esprit ne vient de nulle part, s’il ne demeure nulle part et s’il ne va nulle part, il ne peut qu’être vacuité. A ce moment-là, il n’est pas nécessaire de se dire : « Je pense à la vacuité ou je pense à la clarté. » car nous sommes, alors, cette vacuité, cette clarté. En disant : « Je pense à la vacuité » - c’est encore une pensée, ce n’est plus la vacuité. Ce serait comme rajouter une pièce à un tissu troué mais ce ne serait pas la vacuité. Et le fait de penser, « Voilà, maintenant mon esprit est clair », penser cela est encore une pensée. En réalité, la nature de notre esprit est, depuis des temps sans commencement, cette nature même et si nous reconnaissons cette nature, spontanément, la vacuité et la clarté seront indifférenciées. C’est ainsi qu’il faut pratiquer. Si nous pratiquons ainsi, nous pratiquons le Dzogchen, la Grande Perfection.
Maintenant, l’enseignement sur les six Bardos, les six états intermédiaires est terminé. Et puisque ces six Bardos sont terminés, nous sommes maintenant dans le Dzogchen. Car la nature même de ces six Bardos, c’est le Dzogchen, c’est la Grande Perfection.
Maintenant nous allons méditer quelques instants.