Nous effectuons des prières de souhaits car dans notre groupe, il peut y avoir de la disharmonie. Afin de dissiper tous ces obstacles nous devons réaliser l’état d’éveil, l’état parfait de Bouddha. L’état de parfait Bouddha n’est rien d’autre que la réalisation de la Sagesse Transcendante. Cette prière va nous permettre de transformer les apparences. Nous récitons cette prière avant de recevoir l’enseignement afin de transformer toutes les apparences en apparence pures. C’est pourquoi, dans cette prière, il est question de différents signes auspicieux, de signes de bon augure.
A propos des apparences
Cette prière commence par OM signifiant que toutes les apparences, que tout le devenir sont parfaitement purs. Puisque naturellement et spontanément, les apparences sont pures nous ne pouvons pas dire « J’ai besoin de cela (telle ou telle apparence) » ou « Je n’en ai pas besoin ». En réalité, cette prière, est celle d’un être qui a déjà obtenu la Vue.
Les pensées émergent spontanément, naturellement, elles sont spontanément présentes. Celui qui a réalisé la nature même de ses pensées ne va pas dire qu’il a besoin de certaines pensées et pas besoin d’autres, puisqu’elles sont naturellement et spontanément présentes. Les pensées, de toute façon surviennent, elles vont, elles viennent ou ne viennent pas. Celui qui a réalisé la Vue n’a absolument aucun ennemi, dans aucune des dix directions. Pour lui, les apparences ne sont ni pures, ni impures. Pour lui, toutes les apparences sont auspicieuses [1]. Le sens de ce mot est très profond.
Ceux qui n’ont pas réalisé la Vue, sont obligés d’effectuer des souhaits et de réciter cette prière. C’est pourquoi nous rendons hommage dans cette prière au Bouddha, au Dharma et à la Sangha, à ceux qui sont parfaitement purs, à tout ce qui est auspicieux. En rendant hommage à la Noble Assemblée, nous-mêmes et l’ensemble de tous les êtres, devenons auspicieux.
La référence à une lampe représente la lumière, qui symbolise la clarté, c’est-à-dire la non-obscurité. L’obscurité de l’ignorance n’existe plus car la lumière est clarté, ainsi tout devient spontané.
Quand nous avons réalisé cet état, toutes les apparences sont bonté, pour l’ensemble de tous les êtres. Toutes les apparences sont des ornements pour ceux qui ont réalisé ces apparences pleines de bonté. Tout est esprit éveillé, c’est-à-dire que toutes les apparences et toutes les pensées sont des signes auspicieux. Celui qui a réalisé cet état est semblable à une montagne, il en a la stabilité, comme s’il résidait tout en haut sur le pic de cette montagne. L’énergie de cette Sagesse est incommensurable et nous faisons des souhaits afin que tous les êtres puissent réaliser cet état.
Dans cet état, nous n’avons plus aucun désir, nous sommes rassasiés. Quand nous avons faim, nous nous disons « Je veux ci, je veux ça », puis quand nous avons bien mangé, nous n’avons plus faim. A ce moment-là, nous n’avons plus aucun désir.
Pourquoi réciter ces prières
Ne pensez pas que réciter cette prière sans en comprendre le sens est inutile car il suffit d’entendre simplement le nom des Trois Rares et Sublimes pour que nous développions la capacité à ce que tout devienne auspicieux. En récitant cette prière, la renommée des Trois Joyaux va s’accroître. La grâce et la bénédiction sont inexprimables par les mots et il n’est donc pas nécessaire de savoir et de comprendre véritablement ce que signifient la grâce, la bénédiction, la foi et la dévotion. La force de cette prière est suffisante pour que nous puissions recevoir les bienfaits des Trois Joyaux.
Généralement, en pratiquant, les méditants développent beaucoup d’espoir, ils récitent des Mani [2], en se disant « Je n’ai pas encore vu le visage véritable de Chenrézi ». Mais il est mieux de pratiquer sans avoir d’espoir. Nous désirons toujours quelque chose, quand nous pratiquons, nous souhaitons obtenir un fruit et nous sommes toujours en train de nous dire « Je n’obtiens pas de réalisation, quand vais-je l’obtenir ? ». Si nous avons ce trop fort désir, il n’est pas possible de recevoir la bénédiction ou la grâce. Lorsque nous adressons une prière aux Trois Rares et Sublimes, ou en méditant, nous ne devons pas penser : « Il faut vraiment que j’acquière un esprit stable ». Il n’y a pas besoin de se dire cela car la stabilité de l’esprit apparaîtra naturellement. Il n’y a rien à désirer, ce n’est pas nécessaire.
Si nous disons sans cesse « mon esprit doit être stable », comment pouvons-nous obtenir la stabilité de l’esprit ? De même, si nous nous disons : « Je désire obtenir Rigpa », nous n’obtenons rien du tout. Nos pensées s’accroissent de plus en plus à cause de notre trop grand désir, notre trop grand espoir d’obtenir un fruit, d’obtenir quelque chose. Ne pensez pas à tout cela, pratiquez et adressez une prière aux Trois Joyaux afin d’obtenir un esprit stable.
Nous n’avons pas à nous dire que nous désirons obtenir Rigpa, car c’est petit à petit, par la pratique, que la Sagesse, c’est-à-dire l’intelligence suprême, naîtra en nous. Cette intelligence va se développer au fur et à mesure. Il n’y a pas à demeurer dans la non-pensée de notre esprit, il suffit de l’examiner encore et encore. Ainsi, plus la Sagesse se développera, plus nous reconnaîtrons la nature même de notre esprit, plus nous reconnaîtrons que notre esprit est Connaissance depuis des temps sans commencement.
Le pigeon qui voulait devenir maître
Dans le texte, il est dit qu’en écoutant le nom de ceux qui sont renommés dans le Dharma, tous les souhaits de bon augure pourront s’accroître. Il y a différents noms de bodhisattvas comme le bodhisattva Manjushri ou le bodhisattva Chenrézi. Le seul fait d’entendre leur nom va nous permettre d’amoindrir toutes les émotions perturbatrices et toutes les pensées qui se trouvent dans notre courant de conscience. C’est pourquoi dans cette prière nous évoquons les noms de différents Bodhisattvas :
SA YI NYING PO, DRIP PA NAM PAR SEL.
Entendre et réciter ces noms créeront dans notre esprit de bonnes tendances fondamentales qui se développeront dans le futur. Voici une histoire pour illustrer cela : Un pigeon nichait au-dessus de la maison d’un moine. Tous les jours, le moine récitait les sutras et tous les jours, le pigeon les entendait. L’oiseau mourut et il prit renaissance en tant que petit garçon. À l’âge de 10 ans, cet enfant demanda où se trouvait le moine, il le chercha, s’en alla le voir et lui dit :
– Vous êtes mon Maître !
Le moine le regarda en disant :
– Je suis désolé, je ne te connais pas, comment puis-je être ton maître ?
Le petit garçon lui répondit :
– Dans ma vie passée, j’étais un pigeon, je vous ai entendu réciter les sutras, c’est pourquoi je suis là maintenant.
C’est ainsi qu’il a pu étudier le Dharma et finalement devenir un Maître. Lorsqu’il était un pigeon, il ne pouvait pas évidemment comprendre les textes qu’il entendait, mais il en reçut toute la bénédiction, c’est grâce à cela qu’il a pu devenir un maître. Donc, il n’est pas toujours nécessaire de comprendre. Nous avons tendance à vouloir tout comprendre mais en pensant ainsi, peut-être que nous rendons impur ce qui est pur. N’ayant pas la maîtrise des apparences nous les considérons comme impures, nous n’arrivons pas à les voir telles qu’elles sont.
Mon conseil est de ne pas trop penser mais de pratiquer. Par la récitation des prières, nous pourrons acquérir un esprit stable et aussi en comprendre le sens véritable.
De nombreux chinois récitent le mantra O MI TO BO qui est le mantra d’Amitabha, ils le récitent continuellement et naturellement l’esprit se stabilise. Nous, en Occident, nous aurons tendance à dire « Pourquoi réciter ce mantra tout le temps ? Cela ne veut absolument rien dire, je ne vois pas pourquoi je vais faire comme ça ». Pourquoi ? Parce qu’en Occident, nous avons beaucoup utilisé notre cerveau, nous lui avons appris à penser beaucoup. Pour la moindre chose, nous nous mettons à penser, à penser beaucoup et n’arrivons pas à nous concentrer ou à n’avoir qu’une seule pensée.
Voilà pourquoi la prière dit ceci :
Il suffit d’entendre les noms des êtres réalisés, pour que naturellement les souhaits de bon augure s’accroissent.
Ainsi, par la récitation de la prière des Huit Nobles Stances Auspicieuses, une fois, deux fois, chaque matin, tout notre monde et toutes les activités de notre monde seront de bon augure. Ainsi nous ne dirons plus que telle activité est bonne ou que telle ne l’est pas et de même nous ne serons plus en train de penser à toutes les activités de notre monde.
Etre en harmonie avec les apparences
Cette prière est vraiment importante, car nous n’avons pas la maîtrise des apparences, et nous sommes en disharmonie avec elles. Par cette pratique, nous allons pouvoir être en harmonie avec les apparences, notre esprit obtiendra une certaine stabilité et grâce à cela, nous pourrons vraiment pratiquer. Actuellement, notre pratique est semblable à la flamme d’une bougie, c’est-à-dire qu’au moindre souffle, la flamme s’éteint. C’est pourquoi il est vraiment important que nous puissions être en harmonie avec les apparences.
Quand un pratiquant est parvenu au stade du Dzogchen, s’il y a grand vent, le feu grandit, donc, plus le vent est fort, plus le feu va flamboyer et grandir. Actuellement, nous ne sommes pas capables de pratiquer le Dzogchen, car pour cela, il faut dans un premier temps, être en harmonie avec les apparences.
En récitant ces prières nous parviendrons à être en harmonie avec les apparences et nous dissiperons les obstacles concernant les activités mondaines. Lorsque tous les obstacles seront dissipés, notre esprit pourra demeurer dans le bien-être, dans le bonheur. Ces prières sont importantes pour nous, les êtres ordinaires, et si nous le reconnaissons, ce sera bénéfique pour nous.
Pour protéger une petite flamme provenant d’une petite bougie il faut par exemple placer un tissu autour afin que le vent ne l’éteigne pas. Cette protection est nécessaire, car nous n’avons pas la possibilité, la capacité d’arrêter le vent. C’est seulement lorsque la flamme est suffisamment grande que nous pouvons alors enlever le tissu protecteur. Vous n’en avez peut-être pas l’expérience, mais au Tibet nous avons une grande expérience de cela. Nous voyagions très souvent à cheval pendant plusieurs jours, en chemin nous étions obligés de faire bouillir de l’eau pour le thé. Il y avait souvent des grands vents au Tibet, donc pour faire le feu, nous utilisions notre zen pour allumer l’allumette, faire le feu et aussi pour le protéger. Donc nous arrangions le zen et commencions à allumer le petit feu, quand il devenait plus important, nous enlevions le zen. Et là, un seul grand coup de vent suffisait pour que le feu se mette vraiment à flamboyer.
Le sens de la prière
Tout cela pour dire qu’il est nécessaire de faire cette prière et faire une prière signifie « Garder l’esprit en un seul point » c’est-à-dire n’avoir qu’une pensée dans l’esprit. Le sens de la prière est de n’avoir qu’une pensée. Nous faisons ainsi en adressant une prière à Guru Rinpoché.
En nous adressant à Guru Rinpoché avec toute notre foi et toute notre dévotion, avec confiance, et en nous concentrant sur lui, la seule pensée qui emplira alors notre esprit ne pourra être que Guru Rinpoché. C’est pourquoi prier Guru Rinpoché, en pensant à Guru Rinpoché, à personne d’autre que lui, et rien d’autre, c’est n’avoir qu’une seule pensée, c’est avoir notre esprit en un seul point.
Pour un grand esprit, c’est-à-dire un être qui a la possibilité et la capacité de pratiquer le Dzogchen, qu’il y ait une pensée ou qu’il y ait beaucoup de pensées, cette personne reconnaît que ce ne sont que des pensées. Mais pour les êtres ordinaires tels que nous, il est important au départ de n’avoir qu’une pensée et de nous y entraîner car pour nous c’est très difficile. Nous devons d’abord entraîner notre esprit à être dans une seule pensée, afin d’être dans l’absorption méditative. C’est encore une raison de plus pour réciter les prières avant l’enseignement ou seul chez soi.
Et dans la tradition tibétaine, il y a toutes sortes de prières et pratiques pour que tous les obstacles soient écartés et dissipés, pour que nous ayons une bonne écoute durant l’enseignement du Dharma…